D'après de nombreux commentateurs, la solution qui permettrait au monde arabe et notamment à la Syrie de sortir du dilemme insoluble dictature laïque-nationaliste (genre baas) versus révolution islamique, résiderait dans ce qu'on appelle communément le "modèle turc", c'est-à-dire un régime qui aurait réconcilié l'islam politique, devenu "conservateur" et la démocratie. En théorie, ce modèle proposé par les islamistes tunisiens, lybiens ou égyptiens proches des Frères musulmans est séduisant. Mais les opposants démocratiques des pays arabes attachés à la laïcité, musulmans sunnites ou membres des minorités, y voient parfois un piège, un stratagème conçu par les forces de l'islamisme international pour prendre le pouvoir « par étapes », selon l’expression favorite des Frères musulmans, et faire baisser la garde des forces laïques et de l'Occident... Toute la difficulté pour les démocrates laïques arabes sera de ne pas renoncer à la révolution et même de continuer à y jouer à rôle majeur comme au début, sans pour autant devenir des idiots utiles des Frères musulmans, de loin les plus puissants, organisés, armés, financièrement soutenus et capables de remporter des élections...
Ensuite, si l’on observe l’évolution actuelle de la Turquie dirigée par les « islamistes modérés » du parti AK du premier Ministre Recep Taiyyp Erdogan et du président Abdullah Gül, devenus les champions de Gaza et du Hamas palestinien terroriste et qui ont récemment mis au pas les politiques, les militaires et les journalistes kémalistes partisans d’un modèle laïque, tout pousse à demeurer sceptique ou prudent vis-à-vis de la nouvelle tarte à la crème du « modèle turc ».
La Syrie offre un cas emblématique de ce que j’ai appelé le « dilemme turc », paradigme qui décrit l’opposition entre « démocrates islamistes» et « militaires laïques». Ainsi, pour beaucoup de démocrates occidentaux zélés, l'intervention des forces de l'OTAN en Libye devrait servir d'exemple, et la Syrie pourrait être le prochain régime arabe dictatorial anciennement pro-soviétique à subir les foudres de la communauté internationale. « le syndrôme who’s the next » serait un nouvel élément central des révolutions arabes dites « démocratiques », bien que pour le moment, aucune ne soit démocratique et bien que des pouvoirs armés ou dictatoriaux soient toujours en place partout (y compris en Libye) sans qu’aucune élection libre n’ait réellement légitimé un camp ou un autre.
Il est vrai que la Syrie est de plus en plus isolée sur le plan international. Son voisin et allié stratégique turc a pris de sérieuse distances, car le premier Ministre R.T. Erdogan ne pouvait pas longtemps décevoir ses propres électeurs islamistes qui soutiennent les révolutionnaires proches des Frères musulmans en Syrie; la Ligue arabe adopte un ton de plus en plus ferme également; les pays occidentaux qui s'étaient le plus rapprochés de la Syrie depuis 2007, comme la France, condamnent à présent le régime syrien de la manière la plus ferme; et même les alliés indéfectibles de la Syrie que sont la Russie et surtout l'Iran islamiste ont été obligés eux-aussi de prendre des distances du moins verbales avec Bachar Al-Assad qui persiste à réprimer et n'envisage à aucun moment de quitter le pouvoir que son clan (les Alaouites) tiennent depuis des décennies.
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