Pourquoi Arafat ne veut pas que la guerre s’arrête, par Charles Krauthammer
The Washington Post
vendredi 18 mai 2001
Le 6 mai 2001, la marine israélienne a intercepté un bateau libanais se dirigeant vers Gaza. Il transportait une pleine cargaison d’armes, parmi celles-ci, des roquettes Katiouchas et des missiles anti-aériens Strella. Il ne s’agit pas d’armes de défense. Il ne s’agit pas d’armes pour des manifestations. Il s’agit d’armes pour une guerre à outrance. Les Katiouchas peuvent atteindre les régions d’Israël les plus densément peuplées. Les Strellas peuvent abattre des avions, militaires ou civils.
D’après le capitaine du bateau, deux cargaisons identiques sont déjà arrivées à Gaza. La guerre de Yasser Arafat contre Israël, commencée il y a huit mois, est en train de prendre un tour dramatique.
Arafat a fait sortir de prison tous les terroristes du Hamas et du Djihad Islamique. Beaucoup d’entre eux travaillent dans ses forces de sécurité. Son mouvement Fatah lui-même comprend une armée de guérilla appelée Tanzim dont la spécialité est de tirer sur les automobilistes juifs et sur les quartiers juifs qui bordent le territoire palestinien.
La prochaine escalade se fera à l’aide de mortiers. Les Palestiniens les lancent à partir de leur territoire-sanctuaire de Gaza, à la fois contre les implantations israéliennes et contre des villes à l’intérieur d’Israël. Ils ont fait passer en fraude des mortiers en Cisjordanie. Bientôt, les banlieues de Tel Aviv seront dans le champ de mire.
Jusqu’alors Israël a répondu en entrant à Gaza avec des tanks pour détruire les mortiers, puis en se retirant. Les porte-parole palestiniens ont dénoncé ces incursions israéliennes. "Non seulement cela est destiné à semer la confusion (à propos des frontières) mais cela est destiné aussi à semer le doute sur l’avenir de la paix elle-même" déclare Nabil Shaat, le ministre palestinien des questions internationales.
Frontières? Paix? Cela serait comique si ce n’était pas aussi tragique. Israël, par les accords de paix d’Oslo, a remis aux Palestiniens ce territoire en échange de l’engagement solennel palestinien de renoncer à la violence et de traiter toute controverse non résolue par la négociation. En octobre dernier, Arafat a décidé de tailler en pièces Oslo et a commencé sa guerre de guérilla contre Israël; maintenant, il se plaint en arguant que d’après le bout de papier qu’il a mis en pièces, son territoire est inviolable. Même Hitler n’avait pas eu l’audace de se plaindre de ce que la Grande Bretagne (après l’invasion de la Pologne) lui ait déclaré la guerre, après avoir promis la paix, à Munich.
Pourquoi Arafat a-t-il commencé la guerre? Les différentes motivations de l’Autorité Palestinienne deviennent étranges.
Au début, la violence a prétendument éclaté à cause de la colère engendrée par la visite d’Ariel Sharon sur le Mont du Temple, le 28 septembre 2001. Le Ministre palestinien des Postes et Télécommunications Imad Falouji n’est pas de cet avis. "Quiconque pense que l’Intifada a éclaté à cause de la méprisable visite de Sharon à la mosquée Al-Aqsa, se trompe", affirme-t-il, dans un discours à des Palestiniens, au Liban. "Cette Intifada était programmée à l’avance, depuis que le Président Arafat est revenu des négociations de Camp David, où il a brouillé les plans du Président Clinton", en rejetant la proposition de paix israélienne et de ce fait s’est vu accusé par le président des Etats-Unis d’avoir causé l’échec des pourparlers.
(Falouji, vraisemblablement sous la pression d’Arafat, dénie qu’il ait dit cela. Malheureusement pour Falouji, une déclaration identique faite dans un symposium a Gaza est rapportée dans le quotidien d’affiliation palestinienne Al-Ayyam.)
Reconnaissant qu’il est un peu exagéré d’attendre du monde qu’il croie que la visite de Sharon a déclenché non pas un, deux, ou trois jours, mais 230 jours de tirs, d’émeutes, de bombes et de meurtres, les Palestiniens ont adopté une autre argumentation. Ils combattent, disent-ils désormais, à cause du développement des colonies.
Ce motif (inventé pour justifier les causes du combat, et qui s’est insinué jusque dans le rapport de la Commission Mitchell) est aussi absurde. A Camp David, puis à Taba, dans les derniers jours de la présidence de Clinton, Israël a offert aux Palestiniens leur propre Etat et le retrait israélien de 95 pour cent des territoires disputés. La grande majorité des colonies aurait été démantelée. Les autres (regroupées sur un minuscule territoire représentant 5 pour cent de la Cisjordanie, (une superficie plus modeste que celle d’un des 4 ranchs de Ted Turner, au Montana) seraient revenus à Israël. En outre, Israël aurait donné en échange, un équivalent des 5 pour cent, sur son propre territoire.
Le résultat ? Un Etat palestinien sur un territoire équivalent à 100 pour cent de la Cisjordanie... sans colonies, sans juifs.
Arafat a rejeté cette offre de paix. Pourtant, il prétend maintenant qu’il combat pour se débarrasser des colonies.
Pourquoi combat-il? Lisez le discours qu’il a prononcé le 15 mai, "Jour [anniversaire] de la Catastrophe" (Nakba), jour où les Palestiniens commémorent la naissance d’Israël. Il combat car l’État palestinien sans juif n’est vraiment pas son seul objectif. Il n’y aura pas de paix, promet-il, tant que les millions de Palestiniens vivant à l’étranger ne reviennent pas en Israël... et ne l’anéantissent en tant qu’État Juif.
La Palestine en premier, puis Israël. Pendant des décennies les Occidentaux ont affirmé à Israël que sa sécurité dépendait de "la terre en échange de la paix". Arafat démontre qu’il combat pour la terre sans la paix.
© The Washington Post Company.
Traduit de l'anglais par Danilette